FENETRES
(1992)
Rentrant à la maison, un soir ou un midi
Voilà que je me livre, le mot est bien choisi
A visiter les lieux un œil inquisiteur
Pour voir ce qui chez moi est matière à lecteur.
J’entre dans la cuisine : rangé sur l’étagère
Couverture poivre et sel, les recettes de grand-mère
C’est tout pour cette pièce, la cuisine est petite
Mais ouvre l’appétit en attendant la suite.
Dans la chambre du fils, par terre près de l’armoire
Une B.D. ; Paris-Turf et des livres d’histoire.
Normal me direz-vous puisqu’à la faculté
Il apprend cette matière et entend l’enseigner.
Sur la table de nuit auprès du cendrier
Un manuel sur comment on arrête de fumer,
Sur le lit un poète, un classique, une affaire,
C’est un Nervaléry ou un Rimbaudelaire
La chambre de ma fille. Posé sur le bureau
C’est le dernier album du sieur Robert Doisneau.
Empilés à côté, à lire la mort dans l’âme
Quatre ou cinq livres de poche qui figurent au programme.
Plus de verte, plus de rose, plus trace de ces biblis
Qui me rappellent soudain que ma fille a grandi.
Pour ma femme qui adore les amours impossibles
C’est le roman mélo qu’elle a choisi pour cible.
Quand c’est beau, quand c’est triste elle en prend tous les soirs
Usant en alternance du livre et du mouchoir.
Dans mon antre il y a Boris Vian mon patron
Le Larousse de service, celui des citations
Le livre de philo qu’j’avais en terminale
La chose vous le voyez n’est pas originale
Mais je vous sens déçus, du moins je le devine,
Eh bien non je n’ai pas de dictionnaire de rimes.
Continuons la visite, suivez-moi au salon
Voir la bibliothèque, pilier de la maison.
Sous l’encyclopédie, par ordre alphabétique
Des dizaines de volumes au format identique
Ce sont les grands auteurs français et étrangers
Tout de cuir habillés pour la postérité.
Ceux qui à mes enfants iront en héritage
Quand j’aurai de la vie tourné toutes les pages.
J’arrête l’inventaire sur cette collection
Qui est je vous le dis ma fierté, ma passion
Et de cette inspection, je laisse en dédicace
Qu’un livre n’importe où est partout à sa place.
Romans d’amour, recueils de poèmes, de nouvelles
Vous nous rendez souvent la vie beaucoup plus belle
Aventure, policiers, livres d’art ou d’histoire
D’un monde qui oublie vous êtes la mémoire
Enfin pour terminer, pour qu’ici je m’arrête
Je le clame bien haut les livres sont des fenêtres
Des moments d’évasion, de rêve et de plaisir
Pour un peu que l’on prenne le temps de les ouvrir.
Paul CHAINEAU
Discours prononcé par M. Paul CHAINEAU, Maire de CRAON, à l’occasion de l’accueil de l’édition 2008 de “Spectacles en Recommandé”, manifestation de la Ligue de l’Enseignement